Interview de notre Directrice par 50-50 Magazine (extraits)

Interview de notre Directrice par 50-50 Magazine (extraits)

50-50 Magazine a sollicité la Directrice de HAFB pour une interview.

"50/50 magazine (www.50-50magazine.fr) est un site d’informations original, qui offre réflexions, analyses, débats sur nombre de questions touchant à l’égalité des droits et à la réalité de l’égalité entre les femmes et les hommes.

50/50 magazine est un média ouvert, participatif auquel contribuent non seulement des journalistes mais aussi des expert-e-s, des chercheuses et chercheurs, des responsables d’association, des syndicalistes."

Saluons cette initiative utile pour pallier le déficit d'intérêt relatif des médias traditionnels pour la cause des femmes. Merci à à leur Rédaction de prendre, ainsi, en compte l'avis des acteurs de terrain agissant au quotidien contre les violences faites aux femmes.

En voici les extraits les plus marquants :

Est-ce que la pandémie a eu un impact sur l’accueil des femmes ?

Oui, il y a eu un impact de la pandémie sur l’accueil dans nos différentes structures. Nous savons que le confinement a obligé les femmes à rester avec les auteurs de violences. Après la pandémie, quand elles ont pu ressortir, nous avons constaté une augmentation du flux au niveau de l’espace solidarité, mais aussi au niveau du foyer. Le personnel a été également touché, que ce soit par la Covid ou la nécessité de garder leurs enfants, et cela a eu évidemment des impacts sur le service.

Au Foyer, durant ces périodes de confinement, nous avons eu peu de sorties, donc peu d’entrées. Faute de pouvoir aller travailler ou d’entamer des formations, l’accès à l’emploi a été mis de côté ainsi que l’accès au logement. Par contre, nous nous sommes beaucoup occupés des enfants qui n’étaient pas toujours scolarisés et ça n’a pas été simple.

Pour l’ESI, ce furent des périodes difficiles parce que la salle collective où les femmes viennent prendre une collation, se reposer a dû être fermée à cause des règles sanitaires.

Pendant les confinements, la continuité de la banque alimentaire et du service courrier étant primordiaux, nous avons réussis à les maintenir. Par contre, nous avons dû transformer nos permanences physiques en permanences téléphoniques. Mais il a fallu du temps pour que les femmes comprennent qu’elles devaient et pouvaient appeler. Ça a été un changement radical de pratiques et il a fallu s’adapter. Les femmes qui étaient en attente d’une mise en sécurité ou d’un simple hébergement ont toutes été logées rapidement. Au premier confinement, grâce à la Mairie de Paris, nous avons pu utiliser, pour un laps de temps défini, des appartements en fin de travaux non encore attribués à des locataires. Toute une organisation s’est mise en place pour accompagner au mieux les victimes de violences conjugales.

Y-a-t-il un élément déclencheur qui revient souvent et qui amène les femmes à venir chez HAFB ?

Il y a tellement d’éléments déclencheurs… Comme nous travaillons avec des maternités et des hôpitaux, nous constatons que c’est souvent au moment de l’accouchement. Lorsque la femme reste à la maternité et qu’elle y rencontre des professionnels de santé, elle arrive à expliquer qu’elle subit des violences. L’élément déclencheur principal est quand le conjoint violent s’en prend aux enfants. Certaines femmes ont le déclic et se disent qu’elles ne peuvent plus rester. D’ailleurs, les enfants sont considérés comme co-victimes des violences conjugales.

Comment expliquez-vous que de nombreuses victimes ont tendance à retourner auprès de leur agresseur ? 

Les violences conjugales sont compliquées à comprendre car il y a cette notion d’emprise que les auteurs de violence ont sur leur conjointe. La succession des cycles de violence est repérable lorsqu’on travaille sur les violences conjugales.

Il y a succession de périodes de violences puis d’attention. Le conjoint violent va humilier sa conjointe devant les autres. La femme, elle, va essayer de maintenir une relation amoureuse et tout faire pour le satisfaire. Le passage à l’acte arrive et on peut se dire, mais pourquoi elle n’est pas partie à la première claque ? Généralement, les femmes ne partent pas ou retournent au domicile parce qu’il y a de l’amour et que l’homme s’excuse et fait culpabiliser la femme en lui disant que c’est de sa faute s’il l’a battue. Suite aux violences, il va y avoir ce que nous appelons “la lune de miel”, l’homme va être tout gentil, va lui offrir des fleurs, l’emmener au cinéma… Elle va se dire que c’est terminé et qu’il fait des efforts, mais le cycle reprend toujours et s’intensifie au fil des années. Il y a un rapport de forces qui se joue, mis en place par l’homme. La femme ne peut pas partir, mais ce n’est pas qu’elle ne le veut pas. Nous avons des situations à HAFB où des femmes nous disent qu’elles sont retournées auprès de leur agresseur parce qu’elles culpabilisent et qu’elles ont peur d’arracher les enfants au père.

Sortir de cette situation ne se fait pas sans aide extérieure parce que l’auteur des violences conditionne et isole sa conjointe qui n’a plus de lien social ni de ressources. Les allocations de la CAF sont virées généralement sur le compte de l’homme, il arrive même à se faire virer le salaire de sa compagne s’il la laisse travailler. Cela peut même aller jusqu’à la séquestration. C’est une domination de l’homme sur la femme.

Recevez-vous des homosexuelles également à HAFB ?

Oui, nous avons déjà reçu des femmes homosexuelles. Ce n’est pas notre quotidien, mais nous recevons toutes victimes féminines de violences. Si elle est maltraitée, violentée par sa conjointe, nous traitons le problème de la même façon.

Même si vous n’accueillez pas d’hommes, pensez-vous que la thérapie pour les auteurs est une bonne chose et permettrait de réduire les violences conjugales ?

Je pense que oui. Actuellement, il y a pas mal de dispositifs qui commencent à arriver justement.

Que pensez-vous qu’il faut faire pour réduire les violences conjugales et surtout pour améliorer l’accueil des victimes ? 

A très court terme, je pense qu’il faut des moyens financiers. Nous avons signé il y a un mois la pétition de la fondation des femmes : un milliard pour toutes et une douzaine de revendications. Nous soutenons pleinement ces revendications. Nous avons besoin de moyens, de personnel, de tribunaux spécialisés dans les violences conjugales ! À l’image de ce qui se passe en Espagne où les tribunaux spécialisés sont généralisés et où ils ont mis des moyens contre les violences conjugales : les féminicides ont baissé.

A plus long terme et pour changer les mentalités, il faut de la prévention, de la sensibilisation dès le plus jeune âge.

Quels sont vos projets ?

Nous avons quantité de projets, tournés majoritairement vers l’accueil des femmes victimes de violence. Nous venons de commencer des permanences dans deux hôpitaux : l’hôpital Bichat et l’Hôtel Dieu. Nous souhaitons étendre les plages horaires d’accueil le soir et le samedi (HELP). Nous souhaitons également améliorer le retour à un emploi qualifié de nos bénéficiaires, car l’autonomie financière est la clef de l’indépendance.

Propos recueillis par Camille Goasduff 50-50Magazine

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